Les phénomènes climatiques extrêmes des derniers mois, notamment les sécheresses et inondations, rappellent le caractère concret et massif des risques associés au dérèglement climatique. L’ONU a ainsi estimé qu’un tiers de la population mondiale sera concerné par une situation de stress hydrique à l’horizon 2025, quels que soient les efforts de réduction des émissions faits d’ici là.

La question de l’eau est et restera donc une variable critique pour de nombreuses activi­tés humaines dont l’agriculture et l’industrie (respectivement 70 % et 22 % des prélève­ments mondiaux). Inondations ou sécheresses peuvent ainsi générer d’importantes pertes économiques par arrêt d’activités, voire la destruction de récoltes, productions et équi­pements. L’eau constitue également une res­source essentielle de la transition écologique : les forêts en ont besoin pour pleinement jouer leur rôle de puits de carbone ; la sortie des énergies fossiles appelle à une montée en puis­sance de la biomasse, dont la production est consommatrice d’eau ; enfin, centrales hydroélectriques et nucléaires voient déjà leur capa­cité de production affectée en période de stress hydrique.

La disponibilité et la qualité de l’eau impactent également la biodiversité : les rejets du refroi­dissement des centrales électriques dans les cours d’eau perturbent les écosystèmes si leur température s’avère trop élevée par rapport au débit du cours d’eau ; de même les rejets des usines de dessalement de l’eau de mer désoxy­gènent les milieux marins par augmentation de la salinité ; les substances véhiculées par les eaux usées ainsi que les rejets de l’éle­vage intensif participent à l’eutrophisation des masses d’eau ; enfin, la pollution des sols générée par l’industrie et l’agriculture intensive constitue via les eaux souterraines ou de surface une cause majeure de perte de biodiversité. Or, celle-ci fournit de nombreuses solutions autant pour réguler la qualité de l’eau que pour contri­buer à l’adaptation au changement climatique et son atténuation.

En France, la gouvernance locale de l’eau par bassin, à laquelle les entreprises contribuent pleinement, répond à ces différents enjeux. Son approche de plus en plus systémique tient compte des cycles de l’eau. Elle intègre qua­lité et disponibilité de l’eau, préservation de la biodiversité et désormais adaptation avec l’élaboration de trajectoires de sobriété par type d’usage, dont les usages industriels et de refroidissement.

Les entreprises sont donc appelées à faire évoluer leurs pratiques et réduire leurs im­pacts sur l’eau et donc les risques de tension, d’autant plus qu’elles seront généralement moins prioritaires que les consommateurs et l’agriculture dans la hiérarchie des usages. Des investissements sont aujourd’hui réalisés dans le recyclage, la réutilisation en circuit fermé ou encore la récupération de l’eau de pluie sur les sites, dans une démarche double de réduction des usages et de gestion des risques liés à l’eau sur les sites et dans les chaînes de valeur. Le concept de « net-zero water » commence à émerger comme un objectif opérationnel.

La question de l’adaptation, longtemps écartée des priorités de la transition écologique, tend donc à être réintégrée dans les réflexions straté­giques et actions de court terme des entreprises, notamment à travers l’enjeu de l’eau. Le risque demeure toutefois de mettre en œuvre des solu­tions mal adaptées, adaptations à court terme qui accroissent les risques à long terme ; c’est par exemple le cas du dessalement pourtant parfois incontournable. Comment donc allier approche technologique, solutions d’adaptation fondées sur la nature et sobriété ?

Une prochaine publication en collaboration entre EpE, l’ADEME et l’ONERC portera sur l’adaptation des entreprises au changement climatique et apportera de premières réponses concrètes sur le rôle des entreprises.

Claire Tutenuit, Déléguée générale
Ken Guiltaux, Responsable Climat et Achats

Source : La Lettre d’EpE – n° 69 – juillet 2023