Ces dernières années, de nombreux travaux scientifiques ont démontré que l’environnement et la santé sont interdépendants, et que la santé des populations est affectée à la fois par la pollution chimique, la pollution par les ondes (lumineuses, sonores et électromagnétiques), le changement climatique et l’effondrement de la biodiversité.

Le 18 janvier 2022, le franchissement d’une nouvelle limite planétaire est confirmé, celle de l’introduction d’entités nouvelles dans la biosphère « puisque la production et les rejets annuels augmentent à un rythme qui dépasse la capacité mondiale d’évaluation et de surveillance » (Persson, 2022). Sont ainsi retrouvés, dans l’ensemble des compartiments environnementaux de la planète, des produits chimiques aux effets parfois délétères. Or, une fois disséminés, ces éléments exigent des efforts et des coûts exorbitants pour être récupérés et traités. Outre la complexité technologique, technique, scientifique et économique d’une telle opération, certains produits chimiques, appelés « polluants éternels », se diffusent et persistent quasiment indéfiniment.

Les principaux leviers d’action semblent donc être de limiter l’introduction d’entités nouvelles dans les milieux naturels et de réduire la nocivité de ceux que l’on retrouve. Mais la santé-environnement est un sujet complexe, entouré de nombreuses incertitudes sur la relation dose-effet et sur le lien de causalité entre une exposition environnementale et son effet sur la santé qui peut arriver des dizaines d’années plus tard ; les enjeux de santé-environnement sont en outre globaux et systémiques. La réponse supposerait ainsi que soit partagée, par un grand nombre d’acteurs, une vision holistique et systémique, de long terme et préventive.

La réponse des pouvoirs publics est souvent curative et sectorielle : l’Union européenne s’est dotée d’une quarantaine de réglementations des produits chimiques, souvent avec retard comme le montrent les cas de l’amiante et des rejets médicamenteux.

L’action volontaire des entreprises peut donc introduire de nouveaux modes d’action : améliorer la transparence, apporter des connaissances et de l’expertise utiles, voire nécessaires, aux pouvoirs publics et aux parties prenantes. Elles peuvent intégrer encore davantage et plus précocement les enjeux de santé-environnement dans leurs opérations, et améliorer les connaissances de leurs employés sur ces sujets. Les acteurs financiers et les assurances peuvent de leur côté inciter les entreprises à intégrer ces enjeux dans leurs stratégies et opérations.

L’évolution des attentes sociétales fait que les entreprises sont de plus en plus invitées, voire interpellées pour agir en ce sens, ce qui est accentué par l’évolution ou les perspectives d’évolutions réglementaires. Elles réalisent que la prise en compte de la santé-environnement peut être source d’innovations et d’opportunités commerciales. Enfin, les efforts déployés au sein même des entreprises (bâtiments, exposition chimique des salariés, réduction des nuisances sonores…) peuvent réduire l’absentéisme, améliorer la productivité et donner une meilleure image sur le marché de l’emploi.

Au-delà de ces approches individuelles, on voit apparaître des approches plus collectives et donc plus préventives, soit parce que la perspective du devoir de vigilance conduit les ensembliers à prendre les devants sur les externalités des produits qu’ils acquièrent pour les intégrer à un produit ou service dont ils ont la responsabilité globale vis-à-vis de leurs clients, soit parce qu’un secteur tout entier trouve les conditions pour s’attaquer collectivement à un enjeu, soit enfin parce que la demande du marché conduit à des approches préventives.

Ainsi, les entreprises peuvent impulser un mouvement vers une meilleure intégration des enjeux de santé-environnement dans leurs opérations et stratégies, mais seulement si cela accompagne et est accompagné d’un changement sociétal plus profond. Certains de ces éléments rejoignent les solutions à mobiliser dans la transition écologique de nos sociétés, notamment certains changements de comportements individuels et collectifs : la santé pourrait ainsi être un levier positif pour la transition écologique.

Ces initiatives mériteraient d’être accélérées face à l’ampleur des enjeux de santé-environnement qui s’ajoutent aux enjeux environnementaux du XXIe siècle. Aussi, au sein des travaux d’EpE, des pistes de réflexions collectives ont été identifiées visant à extraire les sujets santé-environnement du débat d’experts, à intégrer ces enjeux dès les processus de conception/innovation de produits ou services, à accompagner l’usage des produits et services commercialisés, à donner de la valeur à la santé ou aux années de vie en bonne santé préservées ou encore, à court terme, à intégrer l’enjeu santé-environnement à leur transition écologique amorcée. Les travaux se poursuivent dans ces directions.

Claire Tutenuit, Déléguée générale
Marie Marchand-Pilard, Responsable des pôles Santé-Environnement, Juridique et R&I

Source : La Lettre d’EpE – n° 68 – avril 2023