Comment gérez-vous la transformation de votre entreprise, dans un secteur parmi les plus affectés par la transition écologique ?

Avec 9,5 milliards d’euros de chiffre d’affaires et 40 500 collaborateurs, Plastic Omnium a construit sa croissance sur la substitution du plastique au métal dans les véhicules afin d’en alléger le poids et donc la consommation de carburant. Tout cela dès 1946 ! Aujourd’hui, la nécessaire transition énergétique rebat les cartes de la mobilité chez nous, dans la façon dont nous opérons mais aussi chez nos clients constructeurs qui mettent en avant l’empreinte carbone de leurs véhicules et préparent leurs trajectoires de neutralité carbone avec nous.

Notre stratégie repose sur trois piliers : l’excellence opérationnelle, car l’exigence de qualité et d’efficacité est le fondement de l’entreprise ; l’innovation, car la transition massive de la mobilité vers l’électrique et l’hydrogène requiert d’explorer de nouveaux territoires dans nos 40 centres de Recherche et Développement ; le troisième pilier est notre responsabilité sociale et sociétale, avec une équipe regroupée avec celle des ressources humaines, et dont la mission est d’embarquer tous les collaborateurs sur les questions de sécurité, d’éthique, de diversité et bien sûr de neutralité carbone.

Cette équipe est très proche des opérationnels et des décisions business, y compris au Comité Exécutif : à son initiative, nous ambitionnons d’atteindre la neutralité carbone sur les scopes 1 et 2 dès 2025. Nous réduirons aussi de 30 % les émissions de notre chaîne de valeur d’ici 2030, en particulier en sélectionnant des fournisseurs qui sont engagés dans la transition et en innovant pour une mobilité bas-carbone.

Le Conseil d’Administration est porteur et garant de cette stratégie, et nous y avons créé un Comité de Développement Durable.

Dans cette phase de transition, nous n’excluons aucun métier et fabriquons par exemple des réservoirs pour les gros pick-up américains. Les produits du passé financent le coût de la transition, hydrogène et électrification sont des marchés où nous investissons. Nous sommes aussi vigilants en communication interne afin que tous les collaborateurs se sentent engagés dans la transition.

Vous aurez compris que le climat est notre principal enjeu environnemental. Mais nous avons un réseau de Sustainability Ambassadors, des volontaires qui portent nos messages, font remonter les attentes et les idées de l’organisation et mènent des initiatives comme les gestes de base pour « l’environnement du quotidien ». Par ailleurs, tous les ans se tient le Act For All Day où nous arrêtons nos opérations pour échanger et sensibiliser sur les sujets de développement durable.

Voyez-vous le marché automobile se transformer dès à présent ?

La mobilité est au cœur de la transition énergétique. Demain elle sera plus propre, sûre et connectée. Travailler chez Plastic Omnium c’est être au cœur des enjeux !

Le marché mondial passe d’une croissance constante du nombre de véhicules vendus à une régulation des volumes par l’offre disponible du fait des contraintes de disponibilité de composants et de matières premières. Nombre d’entreprises investissent d’ailleurs dans une intégration amont pour sécuriser leurs sous-produits. Nous-mêmes, nous sourçons beaucoup régionalement pour réduire les risques d’approvisionnement en pièces ou matériaux et réduire l’impact environnemental. Bien entendu, le recyclage est une des solutions à cette nouvelle rareté.

Le plastique est un bon exemple de ces tensions sur l’offre : il a des atouts de recyclabilité. Nos produits se recyclent de mieux en mieux et utilisent de plus en plus de matière recyclée, mais celle-ci est peu disponible.

La question du recyclage nous amène à repenser en amont l’écoconception de nos pièces : on évite les colles, par exemple, et certains composants ne sont plus peints. Nos réservoirs à hydrogène en polypropylène sont entourés de fibres de carbone pour accroître leur résistance. Nous travaillons à leur recyclage avec nos équipes de recherche.

En Europe, le marché est contraint par la réglementation sur les nouveaux véhicules, mais quid du devenir des 250 millions de véhicules actuellement en circulation ? Une faible partie est recyclée actuellement, le reste part dans les pays moins aisés qui en prolongent la durée de vie. Qu’en est-il de leur recyclage ? C’est une vraie question.

Quel avenir voyez-vous à l’hydrogène pour la mobilité ?

Les véhicules électriques à batterie trouvent leurs limites pour les besoins d’autonomie, en particulier pour les véhicules lourds. Dès 2015, nous avons été convaincus que l’hydrogène apporterait une réponse à la transition énergétique dans la mobilité. Nous nous sommes appuyés sur notre savoir-faire dans les réservoirs traditionnels, enrichi d’acquisitions et de partenariats comme notre JV EKPO, qui nous a permis d’étendre notre offre aux piles à combustibles et aux systèmes hydrogène complets. Ceci permettra aux trains, avions, bus ou véhicules utilitaires d’accéder à la mobilité électrique.

La principale difficulté de déploiement de l’hydrogène aujourd’hui est celle de l’infrastructure de distribution qui conduit à prioriser sa commercialisation vers des flottes captives, bus et trains. Une autre question clé est la capacité de nos sociétés à produire de l’hydrogène issu d’énergies renouvelables à un prix compétitif. Il y a là pour nous un axe stratégique majeur.

Source : La Lettre d’EpE – n° 68 – avril 2023