La transition numérique est en cours et se poursuit de façon toujours aussi rapide et spontanée ; alors que la valeur créée par l’économie numé­rique aurait pesé jusqu’à 15,5 % du PIB mondial de 2019, le nombre d’objets connectés dans le monde pourrait augmenter de plus de 200 % d’ici 2030.

Utilisées à bon escient, les technologies numé­riques peuvent contribuer à la préservation de l’environnement et au bien-être des populations, mais aujourd’hui, elles sont surtout à l’origine d’atteintes considérables sur l’environnement : le numérique pèse 2,5 % dans le bilan carbone français, chiffre en hausse rapide ; 62,5 millions de tonnes de res­sources sont utilisées chaque année pour produire et utiliser des équipements numériques français qui, en fin de vie, sont à l’origine de la production annuelle de 20 millions de tonnes de déchets.

S’ajoute à ces impacts directs l’effet du numérique sur nos modes de vie : en quelques années, cette transition a profondément bouleversé ces der­niers et le fonctionnement de nos sociétés tout en augmentant notre empreinte environnementale.

Or, contenir la hausse de la température mondiale aux alentours de 1,5 °C, limiter voire inverser l’éro­sion de la biodiversité et préserver les ressources naturelles requièrent des acteurs économiques qu’ils réduisent rapidement et profondément toutes les pressions qu’ils exercent sur l’environ­nement, y compris celles de leurs activités numé­riques directes et indirectes.

Le fait que certaines entreprises dédient des plans d’action au numérique responsable témoigne d’une prise de conscience et d’un engagement environnemental transverse : dans certaines entreprises dont le numérique est le cœur d’acti­vité, des engagements de réduction d’impact ambitieux apparaissent ; et même dans les in­dustries fortement émettrices, où les émissions du numérique sont marginales à côté de celles de l’activité de production, les équipes prennent l’initiative de plans de réduction.

L’enjeu nouveau pour les entreprises est donc de réduire cette empreinte tout en poursuivant leur transformation numérique, porteuse de nom­breuses opportunités. Au sein de la Commission Numérique et Environnement d’EpE, près de quarante dirigeants et experts de Directions du Développement Durable et Directions des Sys­tèmes d’Information de grandes entreprises ont analysé les conditions pour accélérer l’adoption d’un numérique à plus faible empreinte (Green IT) et utile à la mise en œuvre de leur transition écologique et celle de la société (IT for Green).

Les pratiques d’entreprises présentées dans la toute récente publication « Le numérique, allié ou ennemi de la transition écologique ? » montrent des résultats encourageants : elles suggèrent que la mise en œuvre de premiers leviers de réduction peut démarrer rapidement, sans attendre que le travail, encore en cours, sur les méthodologies de mesure soit achevé.

En parallèle, les usages du numérique pour accompagner la transition écologique se multi­plient et cette publication en identifie deux princi­paux. D’une part, les capacités plus importantes de collecte, de traitement et de stockage de données offertes par les technologies numériques sont souvent exploitées pour développer des outils d’aide à la décision qui permettent de mesurer et réduire les impacts d’opérations industrielles ou d’intégrer l’environnement dès la conception des projets. D’autre part, les systèmes d’information des entreprises servent à piloter et réduire les impacts environnementaux : la préparation de réponses aux exigences de la Corporate Sustai­nability Reporting Directive (CSRD) à venir serait inenvisageable sans ces capacités massives de recueil et traitement de données.

L’ampleur des transformations à conduire semble cependant faire appel à des évolutions bien plus profondes que les seules réductions permises par les technologies numériques (IT for Green) et certains effets rebonds sont déjà observés : l’adoption massive des technologies numériques facilite la consommation de masse en effaçant les distances. En introduisant des intermédiaires tech­niques entre les personnes et le monde extérieur, ces technologies peuvent affecter et parfois dégra­der notre perception et nos relations avec la nature. La civilisation digitale que nous construisons pour­ra-t-elle être une civilisation environnementale ? La question est ouverte, et les entreprises membres d’EpE y travaillent de plus belle.

Claire Tutenuit, Déléguée générale
Benoît Galaup, Responsable des pôles Biodiversité & Numérique

Source : La Lettre d’EpE n° 67 – janvier 2023