Dégradation des écosystèmes et des services qu’ils procurent, réduction des émissions et lutte contre les effets du changement climatique, pol­lutions multiples, mais aussi précarité énergé­tique, souveraineté industrielle, équité face aux efforts de transition… En quelques années, les défis auxquels la transition écologique doit appor­ter des réponses se sont multipliés : au-delà de la neutralité carbone à l’horizon 2050, objectif largement partagé, d’autres priorités s’imposent y compris dans les grands choix de la transition. En travaillant ensemble à l’étude Etape 2030 de la Transition Écologique – ETE 2030, les membres d’EpE ont cherché à répondre à cette question : que faut-il faire d’ici 2030 pour mettre la France sur une trajectoire crédible de transi­tion écologique ?

La présentation des résultats le 12 décembre dernier par une quinzaine de CEO d’entreprises membres d’EpE a montré le caractère inédit de ces travaux. Le premier succès a été de réunir pour la piloter une trentaine de grandes entre­prises de différents secteurs de l’économie, lui conférant ainsi une vision transverse et un ancrage fort dans l’économie réelle. La portée de l’étude s’étend au-delà de ce collectif, puisque la tribune qui en est inspirée a été signée par 60 dirigeants de grands groupes.

Révélatrices de l’ampleur des défis, les priorités proposées le sont non seulement aux acteurs économiques mais aussi aux pouvoirs publics et aux citoyens, avec lesquels l’action conjointe est une clé du succès.

La méthode de travail suivie est également origi­nale. Elle s’est appuyée sur la représentation du « Donut » pour mettre en évidence les limites de capacité de la planète ainsi que les besoins socio-économiques essentiels de tous. L’étude est ainsi en rupture avec le mythe de la croissance matérielle infinie et appelle à l’établissement de modes de gouvernance permettant de gérer de nouvelles raretés, notamment par la négociation de plafonds d’usages de certaines ressources. Une sobriété permet alors la nécessaire décrois­sance de l’empreinte matérielle de notre société.

Cette analyse aboutit à élaborer un véritable « cahier des charges de la transition écolo­gique » dépassant le sujet du climat et intégrant les différents enjeux. Réduire drastiquement les émissions est nécessaire, mais pas suffisant. L’anticipation d’une énergie plus chère et l’ins­cription dans les infrastructures d’une sobriété de long terme conduisent à modifier les modes de vie individuels et collectifs. L’étude propose de rechercher une nouvelle prospérité collective, autour de nouveaux imaginaires en rupture avec celui du « bonheur par la consommation » et plu­tôt centrés sur le bien-être, les liens humains, la circularité de l’économie et une nouvelle relation au vivant.

ETE 2030 inscrit ainsi la transition écologique dans une perspective d’évolution du contrat social : la transition écologique va demander des efforts aux citoyens, quelles contreparties pour eux ? Equité accrue et inégalités réduites, notions inhabituelles dans la parole des acteurs écono­miques, deviennent des conditions du succès de la transition et font partie des priorités de change­ment concret d’ici 2030.

Le succès de la transformation ainsi esquissée suppose que les différents acteurs s’approprient et partagent cette vision qui rejoint largement, dans son contenu sinon dans sa méthode, celle de la planification écologique. Pour les entreprises, le dialogue avec les actionnaires, les clients, les pouvoirs publics et les autres parties prenantes sur cette transformation est une condition de son succès ; les collaborateurs des entreprises sont parmi les premières parties prenantes concer­nées et les entreprises d’EpE ont pour un certain nombre pris le 12 décembre des engagements concrets pour les associer à la réalisation concrète de cette transition. C’est pour susciter ce large engagement des personnes que l’étude com­prend aussi un ensemble de récits concrets de transitions écologiques personnelles, « Le champ des pos­sibles ». La transition est l’affaire de tous, à chacun de construire la sienne dans les différentes parties de sa vie.

David Laurent, Directeur de la Transformation écologique
Claire Tutenuit, Déléguée générale

Source : La Lettre d’EpE – n° 71 – janvier 2024