Le changement climatique, ce sont d’abord des risques accrus. Quelles sont votre ana­lyse de ces risques et votre stratégie pour y répondre ?

Selon la dernière édition du Future Risk Report qu’AXA réalise chaque année, le changement climatique est désormais la première source d’inquiétude dans toutes les régions du monde et pour toutes les générations. Les catastrophes naturelles, des canicules aux ouragans, ainsi que les périls secondaires (moins violents mais plus fréquents comme les incendies, sécheresses, fortes pluies) sont plus nombreux et affectent une proportion croissante des citoyens.

Le risque climatique s’impose ainsi comme l’une des priorités du secteur de l’assurance, car, devenu systémique, il pose la question de la mutualisation des risques et de l’assurabilité sur le long terme.

Sur ces questions, il est indispensable qu’entre­prises, citoyens et pouvoirs publics puissent agir de consort. Le régime français « CatNat » (pour lequel le gouvernement vient d’annoncer des mesures pour sauvegarder sa capacité finan­cière et permettre d’amortir, à partir de 2025, le choc des sinistres climatiques) est un formidable dispositif. Il permet un partage du risque et ainsi d’éviter un scénario « à l’américaine », où de plus en plus de zones ne sont plus assurées, laissant ainsi des millions de citoyens en situation très dif­ficile. Il faut à l’avenir s’appuyer sur la coopération public/privé pour identifier de nouvelles solutions au bénéfice de tous.

Plus que jamais, chez AXA, nous sommes convaincus que le futur ne devrait pas être un risque, et que nul ne devrait être laissé sans solution. C’est la conviction qui anime nos équipes et nos agents.

Pour cela, nous devons prioritairement encoura­ger autant que possible la transition vers une éco­nomie bas carbone, et lutter contre le changement climatique en réduisant l’empreinte carbone de nos activités.

En tant qu’investisseur, la décision pionnière d’AXA, en 2015, d’exclure les investissements dans les actifs liés au charbon était courageuse, car leur rendement était alors très élevé. Depuis 2018, AXA a également réduit considérablement ses investissements dans le secteur du pétrole et du gaz, avec une approche sélective de tout nouvel investissement direct, uniquement pour les entreprises qui présentent des stratégies de transition solides et convaincantes, mais avec des contraintes de crédit strictes. Et en 2021, AXA a annoncé des restrictions sur les nouveaux gise­ments de pétrole et plusieurs formes de pétrole et de gaz non conventionnels.

Nous avons également fixé un objectif clair de réduire de 50 %, entre 2019 et 2030, les émis­sions du portefeuille d’actifs de notre fonds général.

Mais nous devons aussi investir pour accom­pagner la transition, pas simplement exclure des activités. Pour cela nous nous engageons à dédier 20 % de nos réinvestissements annuels (c’est-à-dire environ 5 milliards d’euros) dans le financement d’activités de transition, en parti­culier dans les secteurs industriels clés. Nous avons multiplié par dix nos investissements dans les énergies renouvelables depuis 2015.

En tant qu’assureur, nous avons été, en 2023, les premiers du secteur à définir des objectifs ambi­tieux pour nos portefeuilles d’assurance : c’est une avancée notable. Nous allons ainsi engager la réduction de l’intensité carbone d’une part signi­ficative de nos portefeuilles d’assurance dans les marchés les plus importants, d’ici 2030 (-20 % pour les émissions en intensité des assurances auto de nos clients particuliers par rapport à 2019 ; -30 % pour les émissions absolues de carbone de nos plus grands clients Corporate, et -20 % pour l’intensité carbone des autres clients Corporate par rapport à 2021). Nous allons par ailleurs augmen­ter notre activité et nos offres d’assurances dans le domaine des EnR, réduire nos engagements sur les énergies fossiles et encourager plus forte­ment à la transition écologique via des services de conseil et de formation (au travers de notre entité AXA Climate, par exemple).

Quelles solutions proposez-vous pour l’adapta­tion de la société au changement climatique ?

La prévention est un élément central de notre action. Il suffit de comparer les coûts des oura­gans Katrina (2005) et Irma (2017), deux événe­ments d’ampleur similaire, sur le même territoire, mais dont les coûts humains et économiques ont été significativement réduits grâce aux disposi­tifs de prévention. Nous voulons renforcer notre capacité à accompagner nos clients en les aidant à anticiper les risques et à réduire les impacts des aléas climatiques. Comme je l’indiquais, nous comptons développer plus encore les activités de notre entité AXA Climate, qui se spécialise dans le Risk Consulting et l’adaptation climatique.

Nous souhaitons aussi développer de nou­velles offres qui facilitent la vie de nos clients en s’appuyant sur notre expertise technique. Citons par exemple les offres d’assurance dite « para­métrique », qui permettent une indemnisation automatique des assurés dès que certains seuils, par exemple météorologiques, ont été atteints. Ces solutions sont particulièrement adaptées au secteur de l’agriculture, mais pas uniquement.

Plus généralement, et cela est d’autant plus vrai dans la période incertaine que nous vivons, la connaissance des risques est primordiale : il est de notre devoir de partager notre expertise pour renforcer la résilience de nos sociétés, et encou­rager à la prise de conscience. Notre rapport AXA Future Risk Report, publié annuellement, s’inscrit dans cette logique.

Comment analysez-vous les implications sociales liées à la transition écologique ? Quel rôle AXA peut-il avoir dans ce domaine ?

Il existe, de façon incontestable, un risque de fragmentation sociale et nous devons rester vigilants pour que la transition reste inclusive. La transition aura un coût, que nous devrons col­lectivement accepter tout en aidant les personnes les plus vulnérables. Pour autant, nous n’avons pas le choix : une étude de l’ADEME a révélé que le coût de l’inaction est bien supérieur à celui de la transition !

En tant qu’investisseur, nous travaillons sur une méthodologie d’évaluation des plans de transi­tion des entreprises énergétiques traditionnelles prenant en compte leurs impacts environne­mentaux, mais aussi sociaux.

Par ailleurs, en tant qu’assureur, nous avons décidé d’accélérer le développement de l’assu­rance inclusive. N’oublions pas que près de 20 % des Français, aujourd’hui, ne peuvent bénéficier d’une assurance « classique », faute de moyens ou du fait d’exclusions.

Source : La Lettre d’EpE – n° 71 – janvier 2024