« Une demande en eau doublée à l’horizon 2050, dans un contexte de perturbations climatiques toujours plus intenses », c’est ce qu’anticipe le scénario « tendanciel » de France Stratégie, imaginé dans le cadre d’un travail prospectif paru en janvier 2025. Si l’été 2022, où 97 % du territoire métropolitain fut concerné par des mesures de restriction, a été un véritable électrochoc, les transformations à mener pour assurer une gestion durable et résiliente de la ressource en eau restent majeures et soulèvent de nouveaux défis pour les acteurs économiques. Le CDP Water Report de 2023 estime en effet à 77 milliards de dollars les répercussions possibles de la crise de l’eau dans les chaînes d’approvisionnement.

Trois éléments contribuent à accroître cette pression sur les ressources en eau :

  • les pollutions chimiques et biologiques, directes ou indirectes, qui en dégradant la qualité de l’eau diminuent la quantité disponible pour des usages sensibles (alimentation, irrigation) ;
  • les impacts du changement climatique sur le cycle de l’eau : évaporation, variabilité et violence des épisodes météorologiques, salinisation, fonte des glaces, pollution accrue suite aux événements extrêmes… Une diminution de 30 à 40 % de l’eau douce disponible est estimée d’ici à 2050 ;
  • les conflits d’usage entre les consommations croissantes des activités humaines et les besoins des écosystèmes.

Des risques physiques causés par un excès ou un manque d’eau (inondations, pénuries) découlent de ces nouveaux cycles de l’eau. Les impacts sur l’activité des entreprises se matérialisent de manière tangible, et peuvent aller jusqu’à l’arrêt complet des opérations. La nature épisodique de ces risques ainsi que le faible prix de l’eau ralentissent la prise de conscience de ces risques et donc la mobilisation face à ce nouveau défi.

La France s’est dotée depuis 60 ans de comités de bassin et d’agences de l’eau pour créer, au niveau local, les lieux de concertation et les outils financiers de déploiement des politiques européenne et nationale de l’eau.

Mettre en place une gestion durable et résiliente de la ressource en eau implique des changements de modèles économiques, pour favoriser l’économie d’eau et sa réutilisation, pour améliorer la qualité des cours d’eau et la gestion des nappes, dont nombre ne sont pas de bonne qualité. De nouvelles directions de travail apparaissent : utiliser des solutions fondées sur la nature (haies, couvert végétal, restauration de zones humides, reméandrement pour ralentir les débits, infiltrer et retenir l’eau dans les nappes plutôt que l’évacuer au plus tôt…), privilégier des activités ou procédés économes en eau, trouver de nouveaux modèles de rémunération…

Pour les entreprises, les stratégies mises en place font apparaître trois domaines d’actions principaux :

  • la diminution des vulnérabilités – avec une approche basée sur l’évaluation des risques et la diminution des Industriels et financiers cartographient les risques parmi leurs sites, chaînes d’approvisionnement ou portefeuilles d’investissements. Selon le CDP, 90 % de l’empreinte eau se situe ainsi en amont des chaînes de valeur ; l’engagement des fournisseurs est donc essentiel ;
  • le pilotage et l’intégration dans les prises de décision – la mesure soulève encore de nombreuses interrogations : prélèvement versus consommation, nouvelles pollutions, sélection des zones géographiques à risque… Le financement des investissements peut s’adosser à des outils comme le prix virtuel de l’eau ou les prêts à impact ;
  • le triptyque partage, coopération et gouvernance – la multiplicité des usages rend essentiels la coopération et le dialogue entre usagers pour organiser collectivement l’utilisation de la ressource : participation aux instances de gouvernance, gestion concertée des retenues d’eau (irrigation, boisson, hydroélectricité, continuité écologique, loisirs…), réutilisation de l’eau entre industriels pour réduire la Les approches collectives sont de plus en plus mobilisées : plus de 600 acteurs, entreprises et collectivités, ont ainsi rejoint l’initiative Éco d’Eau, initiée par Veolia, qui vise à encourager la sobriété et la coopération, notamment à travers des démarches d’engagement volontaire et de sensibilisation.

En lien avec leurs stratégies climat et nature, les entreprises membres d’EpE y travaillent, dans la continuité des travaux menés précédemment.

Marie Marchand-Pilard, Responsable Santé- Environnement, Juridique et R&I
David Laurent, Directeur de la Transformation écologique

Source : Lettre d’EpE n° 76 – avril 2025