Depuis la Révolution industrielle, les nombreuses innovations technologiques ont rythmé l’évolution de nos sociétés et celle de nos modes de vie et de consommation. Devenus mythes, l’innovation et le progrès technologique se trouvent pourtant de plus en plus critiqués pour leur rôle dans l’émergence des grandes crises environnementales.

De même que les stratégies d’entreprises, l’innovation et la R&D se retrouvent ainsi questionnées par les défis simultanés auxquels les entreprises doivent faire face : dépassement des limites planétaires, turbulences géopolitiques et regain des enjeux de souveraineté, course à la compétitivité notamment dans les filières d’avenir de la décarbonation, transformation des modes de production et de consommation vers plus de durabilité.

Cependant, face à l’ampleur des transformations sociétales et technologiques nécessaires pour réussir la transition écologique, l’innovation demeure indispensable pour contribuer aux enjeux de compétitivité, de souveraineté et de résilience, appelant alors à repenser les objectifs et modalités de l’innovation de manière plus responsable et pérenne.

Pour réaliser cette transformation et surtout pour en faire une opportunité, trois voies apparaissent :

  • intégration des enjeux environnementaux (climat, eau, biodiversité…) dans la culture des métiers de l’innovation et de la R&D : formations, sensibilisation, incitations managériales, organisation des équipes… ;
  • conception et mise en place d’outils et processus de mesure (ex. : analyse cycle de vie ou ACV) et de pilotage environnemental de l’innovation pour réduire l’empreinte écologique des portefeuilles d’offres et de services, ainsi que pour prévenir les effets rebonds ;
  • création des conditions d’émergence de l’innovation durable : investissements humains et financiers, partenariats industriels, élaboration de standards, évolutions des cadres réglementaires incitatifs…

Dans certains cas, ces démarches amènent à considérer des modèles de rupture avec les approches traditionnelles de l’innovation : optimisation technologique incrémentale, réduction des coûts et maximisation de la rentabilité. En effet, si l’ACV joue un rôle central en objectivant les impacts et en identifiant les leviers de réduction, elle perd en pertinence lorsqu’il s’agit d’évaluer des innovations difficilement comparables à des solutions existantes.

Au-delà de la conception et du pilotage de l’innovation, un autre défi majeur demeure celui de l’industrialisation des solutions et de leur diffusion auprès des clients où ils auront un impact. Le déploiement massif de solutions vertueuses dépend de nombreux facteurs propres ou externes à l’entreprise. En 2023, l’Académie des technologies constatait que « d’ici 2030, ni les innovations technologiques ni les énergies décarbonées ne pourront être déployées à une vitesse suffisante pour atteindre les objectifs climat de l’Europe ». Elle en conclut qu’il faut également promouvoir et installer des formes de sobriété, au moins à court terme.

Ceci, comme différents autres travaux, pose aussi la question de l’exploration d’autres types d’innovation : comportementale, sociale, de modèle d’affaires, d’organisation, de production… Quels nouveaux modèles économiques concevoir ? Comment adapter les organisations ? Quelles nouvelles collaborations créer ? Quelles compétences développer ? Comment assurer une évolution conjointe avec les attentes sociétales et pratiques ?

Dans une prochaine publication sur le pilotage environnemental de l’innovation, les entreprises membres d’EpE apporteront des réponses concrètes sur la façon dont le pilotage de l’innovation peut accélérer la transition écologique.

Marie Marchand-Pilard, Responsable Santé-Environnement, Eau, Juridique et R&I
David Laurent, Directeur de la Transformation écologique

Source : La Lettre d’EpE n° 78 – Octobre 2025