Tribune collective parue dans Les Echos, édition du 5 juin 2025

 

Il y a dix ans, l’accord de Paris lançait le monde sur une trajectoire nouvelle : celle de la neutralité carbone. Pour concrétiser cette transformation, l’Europe a fait un choix audacieux, le Green Deal.

Nous, dirigeants de grandes entreprises de tous les secteurs, avons pleinement pris part à ce mouvement en faisant de la démarche de neutralité carbone un axe stratégique majeur et en investissant des milliards d’euros dans des solutions concrètes, contribuant à obtenir des résultats tangibles : de 2015 à 2023, l’économie et la consommation françaises ont progressé respectivement de 9 % et de 11 % en euros constants, alors que leur impact environnemental a significativement baissé : 17 % d’émissions en moins et une empreinte carbone réduite de 7 %. Ces résultats prouvent que croissance et baisse des émissions peuvent aller de pair et nous encouragent à poursuivre dans cette dynamique.

Le modèle européen

Au cours de la dernière décennie, notre vision de la transition écologique s’est aussi élargie pour intégrer d’autres enjeux, liés aux limites de la planète. Le dérèglement climatique est une réalité, tout comme les limites planétaires. Certaines des tensions actuelles résultent déjà de leur dépassement : inquiétude des populations pour leur santé, conflits autour des ressources naturelles, migrations forcées. Notre intérêt commun est de construire une société qui prospère et assure les besoins essentiels de chacun tout en respectant ces limites.

Le modèle européen de développement et de transition écologique peut répondre à ces défis. Les processus démocratiques élaborés qui le façonnent lui confèrent une solidité et une perspective favorables à l’action. Le cadre réglementaire issu du Green Deal est aujourd’hui un des socles de nos stratégies et de nos investissements. Les efforts louables et nécessaires menés pour sa simplification doivent maintenir son ambition.

Pourtant, des deux côtés de l’Atlantique, certains appellent à freiner cette transition écologique, à reporter les investissements verts. Ces voix ignorent une évidence : la transition écologique n’est pas un frein à notre prospérité future, elle en est la garantie. Les entreprises qui investissent dans la transition seront les plus résilientes et innovantes. À l’inverse, celles qui tardent subiront la hausse des prix de l’énergie et la raréfaction des ressources. La transition est aussi un atout pour la compétitivité, car elle nous oblige à plus d’ingéniosité, d’efficacité et de sobriété, à utiliser moins de ressources pour satisfaire les besoins de la société.

Révolution industrielle

La poursuite des investissements dans les filières durables de l’économie circulaire, l’électrification, les énergies décarbonées, l’eau, la biomasse, les nouvelles mobilités et la rénovation du bâti est une condition du succès. Une réindustrialisation appuyée sur ces filières sera aussi précieuse pour l’économie du pays et pour l’autonomie stratégique aujourd’hui nécessaire. Dans cette nouvelle économie mondiale où leur maîtrise devient un enjeu majeur, l’excellence environnementale n’est plus une contrainte mais un avantage compétitif clé pour notre futur. C’est sur cette force que l’Europe doit bâtir sa stratégie industrielle. À la clé : des bassins d’emplois revitalisés, un cadre de vie assaini et une souveraineté industrielle retrouvée. C’est ainsi que nous pourrons reprendre le contrôle de notre avenir.

Cette révolution industrielle exige la mobilisation de tous : les entreprises et les institutions financières doivent orienter leurs flux vers la transition, les Etats conduire les transformations et les simplifications réglementaires pour stimuler l’innovation verte et accélérer le déploiement des solutions, les citoyens participer activement à cette nouvelle dynamique, dans leurs modes de vie et leur activité. C’est cette convergence des efforts qui fera la différence.

Quand certains envisagent le renoncement, nous maintenons nos engagements. Ce qui est en jeu, c’est notre santé, notre pouvoir d’achat, la survie de nos industries et de nos emplois. C’est l’attractivité de nos villes, la prospérité et la beauté de nos campagnes, la compétitivité de nos entreprises, notre bien-être et notre souveraineté. L’Europe, forte du Green Deal, a dix ans d’avance dans cette révolution industrielle verte. Nous devons garder le cap et en être fiers pour affirmer notre leadership – c’est le moment de définir notre terrain, nos standards, notre vision. L’Europe doit et peut choisir son jeu.

 

Cette tribune collective, signée par une quarantaine de dirigeants de grandes entreprises, est à l’initiative d’Estelle Brachlianoff, Directrice générale de Veolia, et de Patrick Pouyanné, Président-Directeur général de TotalEnergies, respectivement nouvelle Présidente et Président sortant de l’association française des Entreprises pour l’Environnement (EpE).

Les autres signataires sont :

Patrick André, Chief Executive, Vesuvius

Pierre Anjolras, Directeur général, VINCI

Daniel Baal, Président, Crédit Mutuel Alliance Fédérale

Benoit Bazin, Président-Directeur général, Saint-Gobain

Véronique Bédague, Présidente-Directrice générale, Nexity

Thierry Blandinières, Directeur général, InVivo

Olivier Blum, Chief Executive Officer, Schneider Electric

Jean-Laurent Bonnafé, Administrateur Directeur général, BNP Paribas

Thomas Buberl, Group Chief Executive Officer, AXA

Mathieu Chabran, Co-fondateur, Tikehau Capital

Cédric Charpentier, Chief Executive Officer, Groupe Diot-Siaci

Thierry Déau, Directeur général, Meridiam

David Dupont-Noël, Chief Executive Officer, Deloitte France et Afrique Francophone

Aiman Ezzat, Chief Executive Officer, Capgemini

Jean-Pierre Farandou, Président-Directeur général, SNCF

Laurent Favre, Directeur général, OPmobility

Antoine Flamarion, Co-fondateur, Tikehau Capital

Bernard Fontana, Président-Directeur général, EDF

Olivier Gavalda, Directeur général, Crédit Agricole SA

Xavier Guesnu, Directeur général France, Holcim

Pascal Imbert, Président-Directeur général, Wavestone

François Jackow, Directeur général, Air Liquide

Philippe Kehren, Chief Executive Officer, Solvay

Slawomir Krupa, Directeur général, Société Générale

Thierry Le Hénaff, Président‑Directeur général, Arkema

Mathias Lelievre, Chief Executive Officer, ERM EMEA

Catherine MacGregor, Directrice générale, Engie

Cyril Malargé, Directeur général, Sopra Steria

Philippe Pascal, Président-Directeur général, Groupe ADP

Pierre Pauliac, Co-Chief Executive Officer, Suez

Sébastien Petithuguenin, Directeur général, Paprec

Arnaud Pieton, Chief Executive Officer, Technip Energies

François-Henri Pinault, Président-Directeur général, Kering

Thomas Reynaud, Administrateur Directeur général, groupe iliad

Anne Rigail, Directrice générale, Air France

Thierry Schietecatte, Président, Groupe CARSO

Jan Schouwenaar, Président-Directeur général, Primagaz

Maxime Séché, Directeur général, Séché Environnement

Jean-Dominique Senard, Président du Conseil d’Administration, Renault

Jérôme Stubler, Chief Executive Officer, Equans France

Guillaume Texier, Directeur général, Rexel